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1999 | 55th Regular Session of the UN Commission on Human Rights (22 March - 30 April 1999)

Le fonctionnement de la Commission nationale mexicaine des droits de l'homme

March 22 – April 28, 1999
Palais des Nations, Geneva

Franciscans International et les Dominicains en collaboration avec le Centre des Droits de l’homme Francisco de Vitoria OP du Mexique désirent porter à l’attention de la Commission des droits de l’homme de l’ONU la situation des droits de l’homme au Mexique. Notre document concerne le rôle et les activités de la Commission Nationale des Droits de l’homme du Mexique et des Commissions des Droits de l’homme des 32 états du pays. Le document est basé sur la recherche et le travail continu du Centre des Droits de l’homme Francisco de Vitoria OP.

La Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) fut créée par un décret présidentiel, en 1990, comme un organe décentralisé du Secrétariat de Gouvernement (Ministère de l’Intérieur). Deux ans plus tard, on lui octroya une autonomie et des fonds propres et l’on constitua des organes pareils dans les 32 entités fédérales.

Jusqu’à maintenant, le chef de la CNDH est élu par le Président de la République et ceux des Etats par le gouverneur de chacun d’entre eux, ce qui leur a enlevé, dans la pratique, l’autonomie nécessaire pour développer les fonctions propres à un Ombudsman. La Commission interaméricaine des Droits de l’homme (CIDH) a appelé à la nécessité de modifier cet état des choses afin de garantir l’autonomie et l’indépendance nécessaires. Dans le système actuel, la nomination du Président de la CNDH est effectuée par le Président de la République avec l’approbation du Sénat ou de la Commission Permanente du Congrès, si le premier ne siège pas; toutefois, du fait que, pendant les six dernières décennies, le PRI a bénéficié de la majorité au Sénat tout en étant également le parti du Président, il en résulte que la volonté de l’exécutif est décisive dans cette nomination.

Avant que la CIDH recommande cette réforme, des forums de consultation avait été organisés où différents organes de la société civile et les partis politiques reconnus y avaient pris part. L’initiative de réforme est jusqu’à maintenant (janvier 1999) en cours de révision par les Commissions correspondantes de la Chambre des Députés.

Il est évident que les réformes à l’article 102 b des statuts constitutifs de la CNDH représentent un pas important en vue de renforcer le système publique non juridictionnel de protection des droits de l’homme. Toutefois, l’expérience des organisations non gouvernementales avec la CNDH et les Commissions étatiques indique que la dépendance formelle de ces dernières face à l’Exécutif n’est pas le seul problème, et probablement c’est même l’un des moins graves. L’instance officielle de protection des droits de l’homme au Mexique a souvent garanti l’impunité à travers des procédures qui privilégient dans la pratique l’information apportée par les autorités considérées responsables et minimisent les plaintes.

  1. A la différence de ce qui se passe dans les organes inter-gouvernementaux de protection des droits de l’homme, les enquêtes de la CNDH posent la charge de la preuve sur le plaignant et non pas sur l’autorité signalée comme responsable. Plusieurs fois, nous avons répertorié des dossiers qui sont fermés lorsque les victimes ne peuvent pas amener d’autres éléments que ceux mentionnés lors de l’ouverture de la plainte.
  2. Les enquêtes de la CNDH se limitent, dans la plupart des cas, à demander de l’information aux autorités indiquées. Si celles-ci l’informent, les dossiers sont fermés à travers l’émission de documents de non responsabilité. De cette façon, on ne cherche pas à prouver la véridicité et la cohérence de ce qui a été dit par les plaignants laissant dans l’impunité plusieurs cas.

D’autre part, le mandat de la CNDH ne vise pas à enquêter systématiquement sur toutes les violations des droits de l’homme, mais uniquement à punir les agents de l’Etat (agent publique) directement et matériellement responsables des faits. Cela permet que les violations se répètent, car on ne punit pas ceux qui ordonnent de commettre des actes illégaux. Cette situation se manifeste surtout dans les cas de disparitions forcées ou de détention arbitraire dans le cadre de la lutte insurectionnelle dans les Etats de Guerrero et Oaxaca.

  1. Les mesures préventives ne jouissent pas d’un suivi approprié et, parfois elle n’en bénéficient d’aucun. L’efficacité de ces mesures préventives est ainsi remise en cause, conduisant à plusieurs reprises à de nouvelles violations des droits des « personnes protégées » laissées sans défense.
  2. Dans le cadre de ses procédures habituelles, la CNDH promeut des conciliations à l’amiable en vue de résoudre certains cas. Pour la plupart, elles ont lieu à l’insu ou sans l’acceptation du plaignant. Les conditions de la conciliation à l’amiable sont aussi négociées directement entre le personnel de la CNDH et les autorités responsables (cela a lieu surtout quand l’armée est impliquée) à l’insu du plaignant et/ou des victimes ou sans les avoir informés auparavant.
  3. Les limites du droit d’intervention de la CNDH dans les procédures juridictionnelles l’empêchent de surveiller l’accomplissement des garanties d’un procès équitable, laissant sans défense ceux qui passent en jugement. En outre, les recommandations de la CNDH aboutissant généralement à la demande d’enquête préliminaire, les responsables présumés de violations sont libérés au cours du procès faisant prévaloir à nouveau l’impunité.
  4. En tant qu’organe national, la CNDH doit connaître tous les cas qui concernent l’armée fédérale. Même si l’article 13 de ses statuts dit que dans le cas où un civil est impliqué, les autorités civiles seront responsables de le juger, la CNDH a envoyé des recommandations au Bureau du Procureur Général de Justice Militaire pour qu’il enquête sur des possibles crimes commis contre des civils au lieu de les envoyer au Procureur Général de la République. En outre, nous savons que cet organe confie aux instances militaires des informations détaillées sur les plaignants en vue de favoriser les procédures assumant le rôle d’un simple bureau et ne menant aucune enquête de son côté. En plus de représenter un risque pour ceux qui introduisent des plaintes, cette procédure décourage et souvent dissuade les plaignants et/ou les victimes, car ils sont interrogés par les mêmes autorités qui les ont agressés. C’est tout particulièrement vrai dans les cas où des militaires sont impliqués que la CNDH enregistre ses principales déficiences. L’hermétisme propre à l’institution militaire constitue une limitation que l’Ombudsman ne veut pas affronter et qui a été, à plusieurs reprises, la cause d’une totale impunité imputable au silence du système publique de protection. Même s’ils existent déjà des Commissions étatiques de protection auprès de chaque entité fédérale de la République, on note de considérables différences entre la CNDH et les Commissions étatiques au niveau de leur budget, leur infrastructure et leurs ressources humaines. On note aussi une grande méfiance de la part des citoyens quant à l’efficacité du travail qu’elles réalisent ainsi que des doutes sur l’indépendance et l’autonomie politique de leurs membres.

Plusieurs irrégularités ont été constatées. L’autorité morale étant le seul instrument en possession de l’Ombudsman afin de punir et d’empêcher l’impunité, la présidence des Commissions étatiques est souvent utilisée comme un outil politique, comme instrument de l’Exécutif des Etats de la Fédération ce qui, bien évidemment, limite considérablement son efficacité et annule la confiance des citoyens dans son travail. Néanmoins, la pression publique générée par la connaissance des recommandations des commissions permet que ces dernières soient mises en oeuvre par les autorités destinataires. Toutefois, il a été établi à plusieurs reprises que les Commissions utilisent fréquemment leur pouvoir discrétionnaire et décident de garder sous silence leurs recommandations, empêchant l’application intégrale de celles-ci et sabotant ainsi le travail de l’Ombudsman.

Même si l’Ombudsman national est systématiquement utilisé par le gouvernement mexicain pour justifier face à la communauté internationale la protection des droits de l’homme dans le pays, son travail est bien loin d’atteindre cet objectif. Il consiste plutôt à opposer aux plaignants de multiples obstacles en leur demandant, notamment, de fournir par eux-mêmes des informations que, dans la plupart des cas, ils ne peuvent pas ressembler, au lieu de s’appuyer sur l’autorité et les moyens dont il dispose, pour mener lui-même l’enquête. Les conciliations à l’amiable et les recommandations mêmes sont « négociées » avec les autorités responsables des abus. En outre, en raison de la dépendance du pouvoir judiciaire envers l’exécutif, qui découle d’une utilisation politique du droit qui prévaut au Mexique, les cas de violations du droit à un procès équitable sont parmi les plus répandues. Pourtant, n’ayant pas la possibilité de connaître des questions de fond dans les procédures judiciaires, ces cas échappent à la compétence de la CNDH.

Enfin, il n’existe pas de suivi des recommandations émises par la CNDH. Si la CNDH considère, en effet, comme « totalement appliquées » ses recommandations lorsque des enquêtes préliminaires ont été ouvertes contre les responsables, il n’en va pas de même de celles demandant des sanctions lorsque des actes illégaux ont été commis.

Nous demandons, donc, avec urgence :
1. Que la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU recommande au gouvernement du Mexique d’accepter l’offre de services consultatifs techniques faites par le Bureau du Haut Commissaire des Droits de l’homme et, en même temps, de réviser les procédures internes de la Commission nationale des Droits de l’homme du Mexique pour qu’elles soient conformes aux normes et pratiques établies par le Comité des Droits de l’homme de l’ONU qui est responsable pour le suivi du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques.

2. Que la Commission exhorte le gouvernement du Mexique à mettre sa législation en accord avec les instruments internationaux des droits de l’homme de sorte que la classification des violations et des délits des droits de l’homme de la loi mexicaine soit conforme à ces instruments.

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