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2006 | 62nd Regular Session of the UN Commission on Human Rights (16 January 2006)

Migration, human rights and development (in French)

13 March – 21 April 2006
Palais des Nations, Geneva

Migrations internationales, respect des droits de l’homme et développement

Experts de différents secteurs s’accordent pour affirmer que l’économie et les projections de développement du XXIe siècle ne se feront pas sans une stratégie réfléchie et concertée des migrations internationales. L’enjeu est de taille et constitue une interrogation aux Etats sur leur capacité à transformer les flux migratoires qui suivent une courbe hyperbolique en une source de potentialités au service du développement.

La Convention internationale des Nations Unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990) a défini le cadre juridique de protection des travailleurs migrants basé sur une approche des droits de l’homme. Malheureusement, l’expression par les Etats de leur consentement à être liés par un tel instrument est hésitante nonobstant les appels des organisations de défense des droits de l’homme et des institutions nationales et internationales de droits de l’homme à ratifier ce texte.

L’immigration s’invite aussi dans la réflexion sur le désintéressement de la population de certains secteurs d’activités pourtant vitaux. La Division de la population du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies a établi que, très peu intéressés aux migrations internationales dans les années 70 , les Etats commençaient à adopter des mesures pour contrôler les flux migratoires dans les décennies qui ont suivi, le pourcentage des pays ayant opté pour une politique restrictive passant de 6% en 1976 à 35% en 1995, alors que dans le même temps, le pourcentage de pays ayant pris des mesures tendant à le maintenir ou opté pour la non-intervention tombait de 87 % à 61 %.

Toutefois, la méconnaissance de l’impact positif des flux migratoires sur le développement des pays, qu’ils soient d’origine, de transit ou de destination, l’éloignement des politiques migratoires des principes fondamentaux des droits de l’homme et du respect de ceux-ci ainsi que la tendance à faire recours à des mesures sécuritaires dans le contexte de la lutte contre le terrorisme pour se détourner de la protection des droits des migrants et des membres de leur famille demeurent des défis sur lesquels la Commission des droits de l’homme se doit d’adopter une résolution rigoureuse.

I. Corrélation entre phénomène migratoire et développement

S’il est vrai que la contribution des migrants au développement économique des pays de destination est remarquable, sa reconnaissance comme facteur d’enrichissement et de progrès, est encore hésitante.

Contribution conséquente au développement des pays de destination

La pertinence de cette alliance s’observe tant du côté des pays d’origine que d’emploi. La valorisation de la contribution des travailleurs migrants devrait être considérée par les Etats comme un objectif à atteindre. Certains pays, notamment d’origine, ont identifié de nouveaux indicateurs dans la préparation et l’exécution des budgets nationaux, ce qui va bien au-delà de l’apport incommensurable à travers les transferts d’argents par voix officielle ou officieuse aux familles restées au pays. Ils considèrent désormais que les fonds entrés sur le territoire national pourraient s’inscrire d’une manière ou d’une autre dans le budget national.

Dans certains pays, surtout de destination, l’apport de la main d’œuvre étrangère a pu maintenir des emplois sur place, évitant ainsi le phénomène de la délocalisation. C’est ainsi qu’en 2000, l’Allemagne a commencé à avoir recours à la main d’œuvre indienne.

Certains emplois vitaux sont « réservés » aux migrants : les secteurs du bâtiment, de la voirie, du ménage, du gardiennage, du travail domestique, considérés comme des emplois de « seconde zone », semblent être promis aux « étrangers ». Bien plus encore, certains emplois supposés trop intenses et onéreux en terme d’investissement en temps et en énergie ainsi que privatistes de liberté et ingrats sur le plan de la rémunération comparativement aux conditions difficiles de travail, se voient déserter par les nationaux. C’est le cas du Liban où les migrants sont les principaux ouvriers dans le bâtiment, l’agriculture et les travaux domestiques.

En France, la pénurie d’effectif dans le secteur de la santé, a contraint le gouvernement à recourir à la main d’œuvre étrangère. Ce sont les travailleurs migrants espagnols et africains notamment qui ont permis au système de santé français de maintenir ses prestations.

Selon une étude menée par le Bureau Régional Afrique de l’Organisation Mondiale de la Santé, « environ 20 000 Africains de diverses occupations professionnellement quittent l’Afrique chaque année pour les pays industrialisés de l’Occident ». Si l’inquiétude croît en Afrique quant aux effets de la « fuite de cerveaux » et du recrutement extérieur de professionnels de la santé à des postes dans des pays développés tels que le Royaume Uni et les Etats Unis, en revanche les pays de destination jouissent de la contribution de ces cadres qui fuient leur pays d’origine.

Selon le Rapport d’octobre 2005 de la Commission Mondiale sur les Migrations Internationales (CMMI), « de 1975 à 2001 soit en 26 ans, le nombre de travailleurs étrangers au Japon est passé de 750 000 à 1, 8 millions ». Les migrants qualifiés et les membres de leur famille représentent plus de 50% des migrants qui entrent en Australie, au Canada et en Nouvelle-Zélande. Selon le même rapport, plus de trois-quarts des migrants, c’est-à-dire plus de la moitié de l’ensemble des migrants soit précisément 86 millions, étaient économiquement actifs.

Reconnaissance hésitante de la contribution des travailleurs migrants

Si la CMMI estime que le travail des migrants est mal reconnu par les pays d’emploi, cela est largement tributaire du comportement des Etats qui sont davantage préoccupés par la gestion des flux migratoires au point d’éluder fréquemment la protection des migrants et la reconnaissance de la vitalité qu’ils injectent dans les circuits économiques. Des mesures restrictives sur l’immigration comme réponse à des crises au sein de la société sont dommageables à la reconnaissance de la force des travailleurs migrants au service de l’économie nationale.

L’hésitation, voire le refus, de certains Etats à ratifier la Convention de 1990 sont des indicateurs de la méconnaissance de la contribution des migrants. De même, les Conventions de l’Organisation Internationale du Travail relatives aux travailleurs migrants n’ont pas connu une ample ratification qui serait à la mesure de la dimension de la contribution positive des migrants. Il en ressort qu’une telle démarche ne peut conduire à une politique visant à reconnaître aux migrants la contribution positive que leur travail et leurs efforts apportent à l’économie du pays où ils sont employés. Au contraire elle renforce le mépris et génère des formes de discrimination à l’encontre des migrants.

Le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, mentionnait devant les députés européens à Strasbourg le 29 juin 2004 que le phénomène migratoire requiert une approche réfléchie car « c’est également essentiel au fonctionnement de démocraties saines et humaines. Elles ne peuvent extraire le travail des immigrants et ignorer d’autres aspects de leur humanité ».

Il est intéressant de souligner le pas franchi par le Parlement européen qui, dans une résolution adoptée le 26 octobre 2005 « rappelle que les migrants ont largement contribué et contribuent aujourd’hui encore à la prospérité et au développement économique, culturel et social des États membres ».

La Commission des droits de l’homme devrait intégrer dans sa résolution sur la protection des travailleurs migrants le triple effet de la reconnaissance de la contribution des migrants sous le prisme des droits de l’homme qui : i) serait de nature à admettre et valoriser le potentiel migratoire en terme de force au service du développement national ; ii) créerait une dynamique de capitalisation de ce même potentiel iii) donnerait des lignes d’orientation à la politique nationale de migration et éclairerait l’opinion publique sur cette question.

II. Corrélation entre respect et protection des droits des migrants et capitalisation de leur contribution

Le respect des droits de l’homme devrait être la mesure des politiques migratoires afin d’éviter tout type d’amalgame avec d’autres phénomènes ou choix d’un pays.

Respect et protection des droits des migrants inhérents aux politiques migratoires

Beaucoup d’Etats ne peuvent plus faire des projets sur le long terme sans tenir compte de la dimension migratoire. Le capital migrant fait partie intégrante de la programmation du financement des coûts de la sécurité sociale en vue de la préservation de la solidarité entre les générations. La contribution des migrants est devenue un maillon indispensable dans la construction, l’entretien et le maintien de la chaîne de sécurité sociale dans les pays en proie à un vieillissement croissant de leur population active. Dès lors, une politique migratoire méprisant les droits des travailleurs migrants, principaux acteurs de l’harmonie générationnelle et de développement économique et social, serait difficilement soutenable.

La Convention de 1990 définit le cadre de protection en énonçant les droits protégés. Le respect des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille est un apport d’énergie et participe de la dynamique de gestion du développement national qui devrait prôner une intégration des acteurs de ce développement. La dégradation constante de la situation des migrants et la précarisation des droits qui en est le corollaire ne plaide pas en faveur de l’utilisation à des fins de développement du potentiel migrant. Dans la gestion, le contrôle et la maîtrise des flux migratoires se jouent des enjeux sociaux et économiques qui interpellent le respect des droits de l’homme par les Etats.

Le respect des droits des travailleurs migrants est une incitation à la cessation de l’immigration irrégulière. La protection des droits suppose la définition et la mise en œuvre d’un cadre juridique devant décourager les filières d’immigration clandestine qui, à cause des insuffisances, mais surtout des failles provoquées par les demi-mesures des Etats, continuent par se tailler une place centrale. Le respect et la protection des droits des travailleurs migrants supposent également un ensemble coordonné de stratégies qui intègrent le respect des droits fondamentaux tels que définis par la Convention de 1990. L’égalité de traitement avec les nationaux prévue dans la Convention est de nature à combattre l’exploitation des migrants dans le phénomène de la traite des êtres humains ou encore du travail forcé dans des économies parallèles.

Au regard de l’importance des flux migratoires et de leur impact à différents niveaux, une politique migratoire qui se veut efficace doit s’accommoder avec le respect des droits de l’homme. Les restrictions d’entrée sur le territoire nationale, les fermetures des frontières, les politiques des quotas, la définition des critères d’éligibilité des candidats à l’immigration sont des décisions politiques qui doivent composer avec une dynamique de respect des droits de l’homme.

Exigences sécuritaires et nécessité d’éviter l’amalgame entre migration et terrorisme

Si le terrorisme requiert de la part des Etats une vigilance réelle, il ne les autorise pas pour autant à assimiler toutes les catégories de personnes à des terroristes. Délibérément, certains Etats établissent des liens entre migration et criminalité, migration et terrorisme. Cette tendance encourage et sert de support à la xénophobie, à la violence et au rejet des migrants. Déjà en proie à une situation de vulnérabilité, les migrants sont victimes d’un discours qui aggrave la discrimination à leur égard. Des dénominations ignorant toute dignité de la personne humaine telles que « migrants illégaux » et « Noirs » catégorisent ces groupes de personnes et les placent dans une posture de non-droit et, partant, non susceptibles d’invoquer une quelconque protection, fut-elle minimale.

La Commission des droits de l’homme devrait, dans ses résolutions sur les travailleurs migrants, mettre en exergue l’exigence de la compatibilité des politiques migratoires avec les principes du droit international des droits de l’homme et la responsabilité de protéger toute personne vivant sur le territoire d’un Etat.

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