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2002 | 54th Regular Session of the UN Sub-Commission on Human Rights (July - August 2002)

The impact of the war in Iraq on the human rights of children (in French)

July-August 2002
Palais des Nations

COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME DE L’ONU
Sous-Commission pour la Promotion
Et la Protection des Droits de l’Homme
Cinquante-quatrième Session
Juillet – Août 2002
Palais des Nations, Genève
(Prononcé par Philippe LeBlanc OP, le 12 août 2002)

Dominicains pour Justice et Paix, Caritas International, Pax Christi International, en association avec Franciscains International, souhaitent porter à l’attention de la Sous-Commission les effets des sanctions internationales sur les femmes et les enfants. Notre souci concerne en outre l’utilisation d’uranium appauvri et autres instruments de guerre, ainsi que leurs conséquences nocives et destructrices sur les groupes vulnérables. Notre position sur ces questions est d’ordre humanitaire, éthique et moral, et résulte de notre profonde inquiétude devant l’anéantissement de millions de vies de femmes et d’enfants à travers le monde, et face aux violations flagrantes et continues de leurs droits fondamentaux et de leurs libertés fondamentales.

La Convention des Nations Unies sur les Droits de l’Enfant.

En ce qui concerne les enfants, l’article 38 de la Convention sur les Droits de l’Enfant des Nations Unies impose aux Etats de s’engager à respecter et à garantir les règles du droit humanitaire applicables aux enfants. Elle établit également que les Etats parties « prendront toutes les mesures appropriées pour assurer la protection et l’assistance des enfants affectés par des conflits armés ». De plus, l’article 3 de la Convention déclare que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, …l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». En dépit de telles dispositions, ces articles sont systématiquement violés chaque jour, résultat de plus de douze années de sanctions économiques imposées au peuple irakien. Les violations des droits des enfants irakiens résultant des sanctions ont été décrites dans nombre de rapports émanant de l’ONU ou d’ailleurs. De plus, les agences des Nations Unies s’occupant de l’alimentation, de la santé et des enfants, parmi lesquelles la FAO, le PAM, l’OMS, l’UNICEF, ont fait état de l’étendue de la crise humanitaire. La plupart des décès dus aux sanctions touchent les bébés, les enfants, les personnes âgées, les malades souffrant de maladies chroniques et les cas d’urgences médicales. Toutes ces personnes sont les plus vulnérables à l’eau polluée, à la malnutrition, au manque de médicaments, d’équipement médical et de nourriture.

Rapports de l’UNICEF

Malgré de nombreux rapports émanant du Comité international de la Croix Rouge, de l’UNICEF, de l’OMS, du Haut Commissariat pour les réfugiés, du Programme des Nations Unies pour le Développement et de beaucoup d’ONG, rien n’a été fait pour mettre fin aux violations des droits les plus fondamentaux des enfants d’Irak. La catastrophe humanitaire est telle que l’UNICEF affirme que plus de 500 000 enfants de moins de cinq ans sont morts des suites de l’embargo, entre 1991 et 1995.
Le rapport de l’UNICEF de 1999 et les enquêtes de mortalité montrent, qu’en contraste flagrant avec la situation prévalant avant les événements de 1990-91, le taux de mortalité infantile en Irak figure aujourd’hui parmi les plus élevés du monde, passant de 47 décès pour 1000 naissances vivantes dans les années 80, à 107 pour 1000 dans la dernière décennie. De plus, le Comité international de la Croix Rouge a déclaré que le système de santé irakien est aujourd’hui en état de délabrement. Le PNUD estime qu’il faudrait 7 milliards de dollars pour rétablir, dans tout le pays, le secteur énergétique à son niveau de 1990.

L’impact sur les enfants
Toute une génération d’enfants nés après la guerre a été privée, sur une période de plus de douze ans, du droit à une alimentation appropriée permettant de se développer normalement. Selon les déclarations de certains membres de la famille dominicaine présents sur place, de nombreuses familles sont contraintes de vendre leur maison, leurs meubles et parfois leurs propres vêtements pour se nourrir. Par ailleurs, la longueur de la crise a ébranlé les fondations du système traditionnel de solidarité et d’aide familiales. Un nombre croissant de femmes se retrouvent seules pour élever leurs enfants et satisfaire les besoins de ces derniers. Les sanctions économiques ont un effet dévastateur, non seulement sur la survie des enfants, mais aussi sur leur développement moral, social et psychologique, en violation de l’article 27 de la Convention sur les Droits de l’Enfant.
De la même manière, depuis plus de douze ans, toute une génération d’enfants a été privée d’un accès normal à l’éducation. Le régime de sanctions a entravé l’approvisionnement habituel en fournitures scolaires aussi bien que l’accès à la culture, aux sciences et aux nouvelles technologies qui était auparavant largement répandu.
L’embargo qui pèse lourdement sur l’Irak a eu un effet désastreux sur la société civile, déstabilisant les relations sociales de base, à la fois sur le plan scolaire et commercial. Ceci a été confirmé par les rapports des agences spécialisées de l’ONU.


La plupart des enfants victimes n’étaient même pas nés au moment de la guerre du Golfe. Ces enfants ne sont pas morts à la suite des combats. Ces enfants innocents sont morts à cause de mesures décrétées par une organisation dont la mission était de leur garantir la paix et la sécurité. Parce qu’elles sont en vigueur depuis longtemps, ces mesures ne sont plus économiques mais constituent un problème humanitaire. En faisant du mal et en tuant des enfants sur une période de plus de dix ans, les sanctions mettent en péril l’avenir de tout un peuple. Comme l’a reconnu le Secrétaire des Nations Unies, il est plus que temps d’inverser le processus.

Utilisation d’uranium appauvri

Aux effets des sanctions, s’ajoute l’effet de la pollution de l’environnement en Irak, en particulier celui de l’uranium appauvri qui est toxique sur le plan chimique et radiologique. Des études épidémiologiques montrent que l’augmentation de la fréquence d’anomalies et de malformations congénitales, ainsi que de cancers dans toutes les tranches d’âge, est directement liée à l’exposition à l’uranium appauvri, que ce soit par ingestion, inhalation ou contact cutané.


Dans son rapport sur les Droits de l’Homme et les armes de destruction massive (E/CN.4/Sub.2/2002/38), l’expert de la Sous-Commission, M. Y.K.Y. Yeung Sik Yuen déclare que l’uranium appauvri a été utilisé pour la première fois à grande échelle durant la guerre du Golfe en 1991. Les évaluations de la quantité d’uranium appauvri laissée sur les champs de bataille en Irak, au Koweït et en Arabie Saoudite varient entre 320 et 1000 tonnes. M. Sik fait aussi référence à un rapport de l’Office britannique de l’énergie atomique disant que quelque 500 000 personnes mourront avant la fin du siècle à cause des débris radioactifs laissés dans le désert.

Implication des parrains de cette déclaration.

Les trois initiateurs de cette déclaration, Dominicains pour Justice et Paix, Caritas International et Pax Christi International se préoccupent depuis longtemps de la situation des femmes et des enfants d’Irak et ont une connaissance directe des ravages. Les Dominicains travaillent et vivent avec la population en Irak depuis plus de 250 ans. Ils sont éducateurs, soignants et sont aussi actifs en pastorale et dans d’autres secteurs. Les sœurs dominicaines travaillant dans les hôpitaux en Irak accueillent et s’occupent des enfants qui meurent à cause des sanctions en cours.
Des Dominicains venant des Etats-Unis se sont rendus en Irak en 1999, 2000 et 2001 et ont vu de leurs propres yeux ce que les sanctions ont apporté aux femmes et aux enfants de ce pays. A la fin de sa visite en Irak en 2001, la délégation a déclaré dans un communiqué :
« Durant nos dix jours en Irak, nous avons été témoins de la destruction d’une terre, d’un peuple et d’une culture, action plus insidieuse et d’une portée plus considérable qu’aucune autre dans toute l’histoire des Nations Unies. Toutes les facettes de la société et de la culture irakiennes sont affectées par les sanctions. Dans les années 80, l’Irak disposait d’un système de santé pour tous efficace et d’un système éducatif gratuit pour tous, d’une technologie moderne en matière de télécommunications, et de ressources énergétiques adaptées. Le pays avait des systèmes sophistiqués de traitement de l’eau qui répondaient aux besoins de la plus grande partie de la population.
Aujourd’hui, dix ans après, les infrastructures irakiennes ne peuvent plus répondre aux besoins humains. Les femmes en âge de procréer et surtout les enfants, continuent de souffrir de malnutrition à un niveau élevé avec pour conséquence l’arrêt de leur développement et la diminution de leurs capacités leur permettant d’atteindre tout leur potentiel. L’air et l’eau sont toxiques. Ceux qui souffrent le plus sont les enfants, une génération entière qui n’a rien connu d’autre que la guerre. Près de 10 millions d’Irakiens ont moins de quinze ans. Quel espoir existe-t-il en tant que nation quand les sanctions les privent d’eau propre, d’une alimentation appropriée, de traitement médical et d’éducation ? »

Délégation de Caritas Europe en Irak
En janvier 2001, une délégation de Caritas Europe, accompagnée du Président de Caritas Moyen Orient et Afrique du Nord et accueillie par ses partenaires irakiens, Confrérie de la Charité, s’est rendue en Irak et a publié un rapport sur les effets dévastateurs des sanctions sur la population de l’Irak.
Le rapport de Caritas Europe montre comment les sanctions contre l’Irak se sont traduites en des souffrances indicibles pour des millions de personnes – physiques, mentales et culturelles. Le rapport soutient que les effets des sanctions – même si elles étaient levées aujourd’hui – se feront sentir pendant de nombreuses années encore. C’est inscrit de façon indélébile dans le psychisme irakien. Une nation autrefois prospère est systématiquement « dé-développée », dé-qualifiée et réduite à la pénurie. Le tissu social irakien, très développé, est en train d’être déchiré.


La conclusion du rapport qui s’impose, et que défend Caritas International, c’est que le régime actuel de sanctions globales infligé à l’Irak par le Conseil de Sécurité des Nations Unies devrait être suspendu immédiatement, et de nouvelles relations devraient être engagées et développées par la communauté internationale et l’Irak. Ce nouveau type de relations devrait engendrer une situation dans laquelle il serait mis fin à la série de terribles souffrances en cours.
La déclaration de Pax Christi
Dans une récente déclaration, Pax Christi International a déclaré : « Il est déplorable que les nations les plus puissantes du monde continuent à considérer la guerre et la menace de guerre comme un instrument acceptable de politique étrangère, en violation de l’esprit des Nations Unies comme de l’enseignement moral chrétien. Le chemin de la paix ne passe pas par la guerre mais par la transformation des structures d’injustice et des politiques d’exclusion, et c’est à cette cause que les pays occidentaux devraient consacrer leurs ressources technologiques, diplomatiques et économiques.
Nous sommes extrêmement soucieux à l’égard de toute incursion importante en Irak, y compris les attaques préventives, qui pourraient détruire encore davantage une société, causer un mal cataclysmique aux femmes et aux enfants et sérieusement compromettre tout espoir de paix juste et durable dans la région.
Quand le voile sera levé sur l’état de dévastation du pays et quand la vérité sera révélée à propos de la destruction de la vie des enfants et des femmes, la communauté internationale aura à rendre compte de ces actes et à prendre ses responsabilités dans la reconstruction massive d’une société dévastée.


Le 9 août 2002 a marqué le 12ème anniversaire du blocus et des sanctions des Nations Unies contre l’Irak. Ces douze années entacheront à jamais la réputation des Nations Unies en matière d’activité humanitaire et de protection des droits de l’homme.

Recommandations
Dominicains pour Justice et Paix, Caritas International, Pax Christi International, en collaboration avec Franciscains International, dans l’esprit des appels du Pape Jean Paul II à mettre fin aux sanctions contre l’Irak et dans celui du synode des évêques d’Asie de 1998,
· Demandent instamment à la communauté internationale de résoudre la crise humanitaire touchant les plus vulnérables en Irak, par des moyens pacifiques comprenant la fin des sanctions qui continuent à débiliter et à causer un nombre considérable de décès parmi les femmes et les enfants ;
· Requièrent de la communauté internationale le respect des règles du droit humanitaire et la garantie des droits humains fondamentaux à l’égard des femmes et des enfants ;
· Recommandent fortement à la communauté internationale et à tous les gouvernements concernés de rechercher des solutions pacifiques et justes plutôt que de recourir à la guerre qui ne peut qu’apporter l’horreur et causer un mal irréversible aux plus vulnérables.

 

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