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2002 | 54th Regular Session of the UN Sub-Commission on Human Rights (July - August 2002)

Towards the abolition of the death penalty in the world (in French)

July-August 2002
Palais des Nations
Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies
Cinquante quatrième session
de la Sous-Commission des Nations Unies
sur la promotion et la protection des Droits de l’Homme
Palais des Nations, Genève,
Juillet-Août 2002

Dominicains pour Justice et Paix, Franciscains International et Pax Christi International, avec les Promoteurs Justice et Paix dominicains d’Amérique du Nord, souhaitent soulever la question de la peine de mort. Un certain nombre de congrégations aux Etats-Unis ont adopté une position commune recommandant l’abolition de la peine de mort. La recommandation se fonde à la fois sur leur engagement à proclamer la justice, sur leur expérience d’aumôniers de prison et sur leur travail auprès des familles et amis de victimes.

Depuis 1997, la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies a adopté des résolutions demandant un moratoire sur la peine de mort. A l’heure actuelle, 109 des 185 Etats membres des Nations Unies ont appelé à mettre un terme à la peine de mort ou à un moratoire sur son application. Nous notons également des développements encourageants par rapport à la peine de mort au Kirghizstan, au Guatemala, en Turquie et aux Etats-Unis.

Kirghizstan
Récemment, dans ses efforts continus pour être perçu comme une nation progressiste, le Kirghizstan a prolongé un moratoire sur les condamnations à mort et annoncé un plan visant à son abolition progressive. La prorogation a été inscrite dans la loi par le Président Askar Akayev, ce que les officiels ont qualifié de confirmation de « l’engagement des nations d’Asie Centrale en faveur des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Par ailleurs, le Kirghizstan a adopté un programme pour les droits de l’homme suivant lequel la peine de mort pourrait être abolie en 2010.

Guatemala
En juillet 2002, avant l’arrivée du Pape Jean Paul II au Guatemala, le Président Portillo a annoncé qu’il suspendrait l’exécution de 36 prisonniers condamnés à mort. Le même jour, le gouvernement du Guatemala a présenté au Congrès un projet de loi pour l’abolition qui devait être voté dans les jours suivants. Auparavant, le Président Portillo avait déclaré que « l’application de la peine de mort n’était pas dissuasive et ne parvenait pas à diminuer la violence. »

Turquie
Le 2 août 2002, le Parlement de Turquie a voté l’abolition de la peine de mort, ce qui est considéré comme une étape décisive sur la voie de l’intégration européenne souhaitée, et le signe qu’il pourrait continuer à ratifier un large éventail de réformes concernant les droits de l’homme. Le Parlement turc a voté l’abolition de la peine capitale en temps de paix par 256 voix contre 162.

Etats-Unis d’Amérique
Aux Etats-Unis, la Cour Suprême a récemment pris des décisions capitales, tout d’abord en considérant l’exécution de handicapés mentaux comme un châtiment cruel et inhabituel, et par conséquent inconstitutionnel. Dans une autre décision, la Cour Suprême a estimé que, dans les Etats où c’est un juge, et non un jury, qui inflige la peine de mort, le système viole les droits constitutionnels des condamnés à mort. En troisième lieu, dans une autre décision, le juge américain Jeb Rakoff a décrété dans un tribunal de Manhattan, en juillet 2002, que la peine de mort fédérale était inconstitutionnelle. Dans cette décision, il a indiqué que la loi fédérale sur la peine de mort violait les droits constitutionnels des prévenus et courait le risque de mettre à mort des innocents.

Dans le cas de personnes souffrant d’un retard mental, la Cour Suprême américaine a décidé que les assassins handicapés mentaux (ceux ayant un QI inférieur à 70) ne pouvaient pas être condamnés à mort. La Cour a considéré qu’un tel châtiment était cruel et inhabituel et donc inconstitutionnel. Bien que la plupart des Etats aux Etats-Unis aient déjà interdit l’exécution des handicapés mentaux, cette décision oblige les 20 Etats qui autorisent l’exécution de handicapés mentaux à stopper. La Cour Suprême fonde cette décision sur le fait que les handicapés mentaux n’ont pas les facultés suffisantes pour comprendre parfaitement la gravité de leurs crimes et par conséquent ont une moindre responsabilité morale de leurs actes. De même, la Cour a noté que des handicapés mentaux sont plus susceptibles de reconnaître des crimes qu’ils n’ont pas commis.

Récemment encore, le Gouverneur Parris N. Glendening de l’Etat du Maryland, est devenu le second gouverneur des Etats-Unis à imposer un moratoire sur la peine de mort après avoir ordonné la suspension d’une exécution en attendant qu’une étude sur la peine capitale, commandée par l’Etat à l’université du Maryland, soit terminée et critiquée. En justifiant son appel pour un moratoire d’une année, le Gouverneur Glendening a cité des rapports montrant que 101 détenus du couloir de la mort à travers tout le pays avaient été disculpés depuis 1978, nourrissant également des inquiétudes concernant les disparités raciales et géographiques dans le Maryland, notamment dans la région de Baltimore. « De très graves questions ont été soulevées concernant le système, concernant son impartialité », dit-il, « notamment par rapport à la race et particulièrement la race de la victime. »

Discrimination dans l’application
Dans son document de travail final déterminant, « Discrimination dans le système de justice pénale », Mme Leïla Zerrougui fait la déclaration suivante : « Tous les mécanismes de surveillance ou de protection des droits de l’homme dénoncent le taux anormalement élevé de la victimisation et de la détention des Afro-Américains, des Aborigènes, des Dalits, des Roms, des enfants d’autochtones et de travailleurs migrants et d’autres communautés stigmatisées par des injustices structurelles et ancestrales dans plusieurs régions du monde. »
(E/CN.4/Sub.2/2002/5, note 41, page 15 – Version française)

En appelant à l’abolition de la peine de mort partout dans le monde, nous exprimons notre profonde préoccupation quant à son application injuste et inégale. Dans les pays où la peine de mort continue à être en vigueur, il y a plus de chance pour qu’elle soit appliquée de façon raciste, plus de chance qu’elle soit appliquée aux minorités et aux personnes situées en bas de l’échelle sociale en général. Les pauvres, les handicapés et les jeunes sont plus souvent soumis à la peine capitale.

La saga judiciaire de Javier Suarez Medina, un jeune ressortissant mexicain qui doit être exécuté le 14 août 2002 constitue à ce titre un cas d’espèces. Condamné à mort alors qu’il n’avait que 19 ans, son affaire soulève de troublantes interrogations concernant l’impartialité de son procès et le refus continu des autorités texanes de respecter les dispositions obligatoires des traités internationaux. Après 13 années passées dans le couloir de la mort, Javier Suarez Medina a maintenant épuisé toutes les voies de recours habituelles. A moins d’une intervention des tribunaux ou du Gouverneur du Texas, il affrontera la mort par injection létale, dans 10 jours, malgré les questions de plus en plus nombreuses qui pèsent sur la régularité de sa condamnation.

Une étude récente sur les condamnations à mort en Caroline du Nord dans les années 90, a montré que les chances d’être condamné à mort étaient multipliées par 3,5 si la victime était blanche plutôt que noire. « Malheureusement, cette étude montre que, dans notre système de justice pénale, la couleur de peau joue un rôle majeur dans la décision de vie ou de mort », déclare le Professer Jack Boger de la faculté de droit de l’Université de Caroline du Nord et principal auteur de l’étude qui est parue en avril 2002.

L’étude a pris en compte les 3990 cas d’homicides recensés en Caroline du Nord de 1993 à 1997. Dans les cas où la peine de mort pouvait être requise, 11,6% des prévenus non-Blancs accusés du meurtre d’un Blanc ont été condamnés à mort. Par contre, 6,1% des Blancs accusés du meurtre d’un Blanc et 4,7% des non-Blancs accusés du meurtre d’un non-Blanc ont fait l’objet d’une condamnation à mort. En Caroline du Nord, la catégorie non-Blanc désigne en général les Noirs et certains Latino-Américains.

Le professeur Boger a déclaré que la nouvelle étude montrait que la discrimination en matière de condamnation à mort relevait davantage des procureurs que des jurys. En fait, dit-il, ce qui semble s’être passé, ce n’est pas que les procureurs aient requis la peine de mort plus souvent à l’encontre des prévenus Noirs, mais c’est qu’ils ont été plus disposés à laisser les prévenus plaider coupable lorsque la victime était noire, en échange d’une peine moins lourde.

Dissuasion
Des études indépendantes semblent par ailleurs indiquer que la peine de mort n’entraîne pas une diminution des crimes passibles de la peine capitale. Une étude menée par les Nations Unies en 1988 et mise à jour en 1996 déclarait que le fait que tous les indices continuent à jouer dans le même sens, constitue une preuve a priori convaincante pour affirmer que les pays n’ont pas à craindre de soudaines et graves modifications dans la courbe des crimes s’ils réduisent leur recours à la peine de mort.

En outre, la recherche n’a pu établir de preuves scientifiques montrant que les exécutions ont un effet dissuasif plus grand que la prison à vie, et il est peu probable qu’une telle preuve voit le jour prochainement. Les preuves dans leur ensemble ne confirment en rien l’hypothèse de la dissuasion.

C’est le respect pour toute vie humaine et l’opposition à la violence dans nos sociétés qui sont à l’origine de notre prise de position de longue date contre la peine de mort. Nous considérons que la peine de mort perpétue un cycle de violence et développe un esprit de vengeance dans notre culture. Continuer à appliquer la peine de mort c’est enseigner que la violence et la mise à mort sont des moyens acceptables de faire face à la violence et au meurtre. La restauration de la société et la réparation à l’égard des victimes, ainsi que le repentir et la réinsertion des prévenus doivent être les buts d’un système de justice pénale.
Par conséquent, Dominicains pour Justice et Paix, Franciscains International et Pax Christi International :
· demandent à tous les gouvernements d’abolir la peine de mort et de ratifier le Second protocole optionnel du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui exige des gouvernements de mettre un terme à la peine capitale ;
· exhortent les gouvernements à rechercher des alternatives à la peine de mort qui fassent montre d’intelligence, de civilité, de compassion et de justice ;
· encouragent la Sous-Commission des Nations Unies à entreprendre une étude globale sur la discrimination dans le système de justice pénale ;
· soutiennent le moratoire réclamé par le Pape Jean Paul II dans un discours de 1998, l’appel en faveur de l’abolition de la peine de mort lancé par les évêques américains et l’initiative internationale, Moratoire Maintenant, un mouvement organisé pour suspendre toutes les exécutions ;
· recommandent à la Sous-Commission sur la Promotion et la Protection des Droits de l’Homme, dans le respect de son mandat, d’examiner le cas de Javier Suarez Medina afin d’intenter une action avant son exécution dans dix jours.

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