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1999 | 55th Regular Session of the UN Commission on Human Rights (22 March - 30 April 1999)

The situation of internally displaced persons in Colombia (in French)

March 22 – April 28, 1999
Palais des Nations, Geneva

Personnes déplacées à l’intérieur de leurs frontières

La Colombie est l’un des pays qui compte le plus grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leurs frontières. Plus de 1.200.000 Colombiens ont été forcés d’abandonner leur maison pendant la dernière décennie. 200.000 personnes ont été déplacées en 1997, 275.000 entre 1995 et 1996. (Crosslines, Global IDP Survey Report. Sept-Oct. 1998. Pp 15-16). En janvier 1999 à cause du tremblement de terre, plus de 200.000 personnes se sont ajoutées au total national.

Les personnes déplacées à l’intérieur de leurs frontières sont une catégorie qui embarrasse les organisations d’aide humanitaire car il n’existe pas d’institution exclusivement chargée de s’occuper de ce phénomène ainsi qu’une législation applicable à cette situation. Les personnes déplacées sont extrêmement vulnérables et inadéquatement protégées par la législation internationale. Elles représentent souvent une gêne et une complication pour le gouvernement national. Les personnes déplacées partagent beaucoup de besoins réfugiés, mais leurs droits manquent de clarté au niveau de la législation internationale.

Franciscans International, la Commission Internationale Catholique des Migrations, Maryknoll Office for Global Concerns (Maryknoll Fathers and Brothers and Maryknoll Sisters), le Service des Jésuites pour les Réfugiés et les Dominicains travaillent à travers le monde, avec des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leurs frontières. Ils essayent de faire face à leurs besoins et de promouvoir leurs droits. En Colombie, la situation est si outrageusement scandaleuse que nous exhortons la Commission des droits de l’homme de l’ONU à traiter cette question en priorité dans son agenda : protéger leurs droits humains et examiner et traiter les causes de leur déplacement.

Le déplacement interne est lié au profit

Des personnes en déplacent d’autres pour manifester leur haine ou pour obtenir un profit personnel. Il y vingt-cinq ans, le déplacement des personnes en Colombie était en grande partie dû à la lutte entre la guérilla et le gouvernement pour contrôler la terre. Il y a quinze ans les narco trafiquants déplaçaient les gens pour contrôler une partie du territoire. Ils sont maintenant les plus grands propriétaires terriens du pays ayant sous leur contrôle entre 3 et 5 millions d’hectares de la meilleure terre pour l’agriculture et l’élevage. Aujourd’hui, le déplacement s’accélère à cause des intérêts commerciaux internationaux. Maintenant, les causes sont plus globales que locales (GAD, boletin no. 24, julio 15-30 de 1998).

Par exemple, les régions de la Colombie qui sont davantage frappées par le déplacement soient parmi les plus riches en pétrole, or et bois, ou soient des zones où de gros investissements étrangers sont mis en oeuvre. Les propriétaires terriens, les trafiquants de drogue et les agents gouvernementaux locaux sont liés aux groupes paramilitaires, afin d’inciter les gens à quitter leur propre terre. (El Tiempo, mayo 22 de 1998). Les agents gouvernementaux affirment que les gens abandonnent une zone de guerre dangereuse et ne peuvent pas y retourner en toute sécurité. Cependant il n’y a aucune discussion sérieuse ou action concrète du gouvernement pour faciliter le retour. En fait, cette terre est souvent occupée ensuite par les multinationales et les trafiquants de drogue.

Pétrole, paramilitaires et déplacement

L’économie est à la racine du phénomène actuel du déplacement interne en Colombie. L’industrie du pétrole en Colombie est un exemple d’un ensemble d’accords entre le gouvernement et les compagnies multinationales qui transforment les citoyens colombiens en déplacés internes. Dans le cadre de la globalisation et des conditions du marché néo-libéral, imposées par les institutions financières internationales sur les pays en voie de développement, la Colombie a ouvert ses portes aux multinationales du pétrole pour acquérir un plus grand contrôle sur l’une de ses plus rentables ressources naturelles. Nous avons vu des cas où la terre récemment nettoyée est acquise par des investisseurs étrangers et les propriétés sont entourées de zones de sécurité surveillées par des militaires ou des forces paramilitaires d’extrême droite.

Assujettissement aux multinationales du pétrole

Le pétrole en Colombie est la principale source d’exportation. Comparé au café, qui en 1996 représentait 3,4% du GNP et 15,2% des exportations colombiennes, le pétrole représentait 4,3% du GNP et 26,8% des exportations du pays. En Colombie, Ecopetrol est la compagnie nationale du pétrole créée dans les années 40. Comme compagnie étatique elle a enregistré des bénéfices au cours des années 60. En 1969, en vue d’attirer et de retenir la technologie étrangère pour faciliter le processus d’extraction, le gouvernement colombien a signé des accords où les multinationales et Ecopetrol auraient dû se partager les coûts d’exploration ainsi que l’information sur les actuelles et sur les précédentes tentatives pour trouver de nouveaux gisements. Ces contrats avec des compagnies étrangères ont miné la capacité d’Ecopetrol à se développer de façon autonome. Maintenant, la plupart des gains d’Ecopetrol dépendent de son association avec British Petroleum (BP) qui a commencé en 1997 à extraire du pétrole brut du plus grand gisement (estimé à 2 milliards de barils évalués à US$ 25.000.000.000) découvert en Colombie, le Cusiana, situé dans le département oriental de Casanare. En 1997, un tiers de tout le pétrole colombien a été produit par BP dans la région de Casanare. En 1998, les multinationales du pétrole ont extrait tout le pétrole produit en Colombie, BP étant au premier rang. En 1988, Ecopetrol explorait 3.245 miles carrés du territoire, mais en 1996 ce chiffre descendait à 621 et en 1997 à zéro. Graduellement, le nombre de puits d’Ecopetrol est passé de 216 en 1986 à seulement 2 aujourd’hui. Les termes du contrat font qu’Ecopetrol n’est plus une source de revenu et un interlocuteur fort à la table des négociations. (NCLA Report on the Americas. Vol. XXXI, No5. March/April 1998. P.43).

A plusieurs reprises, la guérilla a attaqué BP ainsi que les raffineries et les oléoducs de pétrole occidentaux. Elle a également enlevé certains responsables de l’industrie du pétrole. La population civile a été prise dans la violence et la contre-violence. Jusqu’en 1995, l’industrie du pétrole payait indirectement sa protection par des forces armées, à travers une taxe de guerre de $1 par baril de pétrole. A partir de l’exploitation de la réserve de Cusiana, les compagnies, comme British Petroleum, ont commencé à négocier des accords de protection directement avec les forces armées. Par un acte sans précédent, l’armée a assigné 3.000 soldats de la 16ème brigade à la zone entourant les installations de BP à Cusiana. Les militaires ont aussi forcé la population à s’éloigner de trois miles des installations. Officiellement c’est pour leur protection, mais c’est en réalité une tactique bien connue en Colombie afin de créer un couloir sûr et inhabité pour protéger les investissements des multinationales dans le pays. Cette stratégie employée directement par l’armée, mais aussi par les paramilitaires, a contribué à augmenter considérablement le nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leurs frontières.

En novembre 1997, le responsable colombien de la sécurité demandait aux Coopératives Rurales d’Autodéfense et de Sécurité, connues sous le nom de Convivir, de garantir la protection des travaux des multinationales.

Cette décision a été prise quatre mois avant que les négociations conduites par le Royaume Uni au nom de l’Union Européenne aboutissent à la rédaction de la Déclaration du Président sur la Colombie qui affirmait que la 54ème Commission des droits de l’homme de l’ONU se félicitait des recommandations de la Cour Constitutionnelle colombienne du 7 novembre d’imposer de sévères contrôles sur les armes que possédaient les services privés spéciaux de sécurité et de surveillance (connus sous le nom de Convivir). Elle se félicitait aussi des mesures adoptées par le gouvernement colombien de réglementer la constitution et le fonctionnement de ces corps, en particulier pour interdire qu’elles ne s’établissent dans des zones de conflit. C’était la première fois qu’un document des Nations Unies reconnaissait formellement la légitimité d’une force armée mercenaire privée pour protéger une propriété privée à l’intérieur d’un pays en disant que ces organisations devaient être contrôlées, mais pas mises hors loi.

Barrancabermeja

Barrancabermeja, grande ville industrielle du département de Santander, est connue pour ses raffineries de pétrole et pour la forte organisation et mobilisation de la société civile aux politiques économiques. Le gouvernement colombien a essayé de privatiser Ecopetrol maintenant qu’elle fortement affaiblie par les accords et la compétition des multinationales du pétrole. La tendance vers la privatisation a rencontré une forte opposition de la part du puissant syndicat USO qui jouit d’un vaste soutien parmi la population à cause de son rôle historique dans la lutte pour la nationalisation du pétrole et la création d’Ecopetrol dans les années 40. Les dirigeants d’USO ont fait l’objet d’une répression brutale. Barrancabermeja est un centre important pour l’USO. Depuis 1987, plus de 80 de ses membres ont été assassinés, la plupart par des forces paramilitaires avec la complicité du gouvernement. (El Tiempo, Bogota, May 11, 1993 and January 14, 1994 et El Colombiano, Medellin, Auguist 17, 1995). Les cas les mieux documentés sont les assassinats de plusieurs dirigeants de l’USO par le réseau d’intelligence navale de Barrancabermeja dans le département de Santander. Etablie au début des années 90 avec l’assistance du personnel du service d’intelligence américain, ce réseau paramilitaire a tué plus de 100 dirigeants locaux et de syndicalistes dans la région. (Human Rights Watch / Americas, Colombia’s killer Networks : the Military-Paramilitary Partnership and the United States. New York, Human Rights Watch, 1996).

Franciscans International, la Commission internationale catholique pour les migrations, Maryknoll Office for Global Concerns (Maryknoll Fathers and Brothers and Maryknoll Sisters), le Service des Jésuites pour les Réfugiés et les Dominicains sont profondément préoccupés par les événements qui ont eu lieu à Barrancabermeja depuis la 54ème Commission des droits de l’homme en 1998. Ces événements sont des actes de terrorisme perpétrés par des groupes paramilitaires d’extrême droite visant à faire peur à la population civile pour qu’elle se soumette ou se déplace. Le 16 mai 1998, 50 membres des Autodefensas de Santander y el Sur del Cesar (AUSAC) sont entrés dans trois quartiers du secteur sud oriental de la ville de Barranca. Là, ils ont tué des personnes devant leurs proches et enlevé 22 personnes. Les familles des personnes enlevées se sont rendues à Bogota pour implorer les agents gouvernementaux de faire revenir leurs fils et leurs maris. Leurs espoirs se sont envolés quand des paramilitaires d’extrême droite ont publié un communiqué de presse disant que pendant leur captivité les hommes avaient été jugés, accusés d’être des marxistes, exécutés et leurs corps brûlés.

Les groupes paramilitaires terrorisent constamment les civils pour les déplacer des zones rurales, afin que la guérilla ne gagne pas le soutien des gens dans les petites villes et les zones rurales. En juillet et octobre 1998, 10.000 paysans se sont rendus pour quatre mois à Barrancebermeja de Sur Bolivar, afin de protester contre les activités des paramilitaires dans leurs régions et contre l’inaccomplissement des accords qui avaient fait suite aux protestations des paysans de 1996 en Barranca.. Au cours des négociations avec le gouvernement, les paysans avaient été assurés qu’ils pourraient rentrer chez eux en toute tranquillité. Quand certains d’entre eux sont retournés ils ont été menacés et dans certains cas attaqués par des paramilitaires qui leur tiraient dessus depuis des hélicoptères. D’autres n’ont pas pu rentrer parce que leur terre avait été entre-temps vendue à des compagnies d’extraction d’or.

Certains personnes qui sont allées à Barrancabermeja venaient de Tequisio. Au cours de la 53ème Cdh, Franciscans International avait reçu un appel urgent pour la sécurité de deux frères Franciscains de Tequisio. Des sources paramilitaires d’extrême droite de la région leur avaient fait savoir qu’ils devaient quitter la ville ou bien ils seraient tués. Aucun des deux hommes n’était politiquement impliqué. Tous les deux étaient de simples pasteurs. Peut-être que les frères ainsi que la plupart de la population locale furent contraints de quitter pour des raisons de sécurité. En août 1998, un groupe de paramilitaires d’extrême droite est arrivé à Tequisio et a réuni les gens sur la place de la ville. Là, ils ont publiquement torturé quatre hommes avec des chaînes, coupant leurs membres et les décapitant devant leurs familles et leurs amis. C’était une manière brutale de terroriser les personnes qui restaient, afin qu’elles abandonnent leur terre aux intérêts miniers. Nous avons appris par la suite que de l’or a été découvert dans la région de Tequisio.

Nos recommandations à la 55ème Commission des droits de l’homme de l’ONU

Tout en reconaissant les pas entrepris par le gouvernement colombien à fin de protéger les déplacés inclus dans la Loi 387/97, nous demandons :

  1. De concert avec d’autres ONG basées en Colombie, nous exhortons avec urgence la communauté internationale à renforcer le Bureau du Haut Commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, à Bogota.
  2. Nous recommandons que le personnel du Bureau du Haut Commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme soit augmenté et qu’y soient incluses des personnes avec des expériences diversifiées : par exemple en liaison avec les syndicats, les enseignants et les membres des communautés religieuses,
  3. Nous exhortons les Bureaux de l’ONU du Haut Commissaire pour les droits de l’homme à demander au gouvernement colombien de respecter et de mettre en oeuvre les Principes internationaux sur le déplacement à l’intérieur des frontières d’un pays,
  4. Nous recommandons que le Bureau du Haut Commissaire pour les droits de l’homme de l’ONU à Bogota, publie un Plan de travail pour 1999 où la surveillance des violations des droits humains des personnes déplacées soit une priorité. Nous demandons instamment que cette étude identifie les causes du déplacement ainsi que les raisons qui rendent difficile le retour des déplacés sur leurs communautés,
  5. Nous demandons au gouvernement colombien d’enquêter toutes les violations des droits de l’homme et, en particulier, de rendre compte des 22 hommes enlevés par des paramilitaires d’extrême droite à Barrancabermeja le 16 mai 1998,
  6. Nous demandons instamment au gouvernement colombien de travailler à un niveau trilatéral avec des pays partenaires pour faire rentrer chez eux les déplacés, les accompagnant dans leur retour et garantissant leur sécurité pendant et après le processus de réinstallation. Nous signalons l’exemple du Guatemala, où des équipes multilatérales de la communauté internationale ont travaillé avec le gouvernement national pour faire rentrer des civils dans les zones de conflit, car elles étaient convaincues que le retour ne pouvait pas attendre un accord de paix.
  7. Nous recommandons que le Rapporteur Spécial de l’ONU sur les Mercenaires, M. E. Bernales Ballestreros, visite Barrancabermeja pour enquêter sur les liens économiques entre les paramilitaires et les multinationales,
  8. Nous demandons instamment que M. F. Deng, Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU pour les personnes déplacées, visite la Colombie en 1999, fasse un rapport sur la situation des déplacés et que ce dernier soit rendu public le plus rapidement possible.
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